Comment une stagiaire d’AGE-WELL détecte la dépression par la parole
AUTHEUR(S) ET TITRES: Mashrura Tasnim, candidate au doctorat et interne d’AGE-WELL, et Karolina Jalowska, coordonnatrice des médias numériques du Centre POPRAVIT et AGE-WELL RCE
ÉTABLISSEMENT(S) AFFILIÉ(S): Centre national d’innovation POPRAVIT Inc. d’AGEWELL
Pouvez-vous nous parler un peu de vous-même?
J’ai obtenu mon diplôme de premier cycle et ma maîtrise en science et génie informatiques à l’Université d’ingénierie et de technologie du Bangladesh. Avant de venir au Canada pour faire mon doctorat en science informatique à l’Université de l’Alberta, j’ai été chargée de cours à l’Université Eastern, au Bangladesh pendant trois ans.
C’est ma superviseure, la professeur Eleni Stroulia, qui m’a parlé d’AGE-WELL lorsque j’ai commencé mes études doctorales. Ses passionnants projets visant à favoriser le vieillissement en santé m’ont encouragée à y participer. Lorsque j’ai fait le programme de certificat en tant que stagiaire d’AGE-WELL, j’ai trouvé que c’était une expérience passionnante. Ce programme bien conçu m’a permis non seulement d’en savoir davantage sur les méthodologies et l’éthique de la recherche et d’élargir ma vision à ce sujet, mais aussi de découvrir de riches archives de ressources ainsi que les activités continues de cette plateforme. En tant que stagiaire d’AGE-WELL, j’ai eu l’occasion de me lier à une communauté extrêmement diversifiée d’experts et de chercheurs dont j’ai beaucoup appris.
Sur quoi porte votre projet actuel et qu’est-ce qui vous a incitée à commencer à y travailler
Notre objectif est de développer des applications capables de contrôler l’état émotionnel d’une personne et de produire des rapports informatifs pour l’utilisateur et son aidant. Nous travaillons à la création d’un modèle d’apprentissage artificiel capable de détecter la dépression en analysant le langage de l’utilisateur. La première étape consiste à recueillir des échantillons de voix de personnes dépressives et non dépressives. À ce moment-là, les données sont étiquetées, ce qui signifie qu’en tant que chercheurs, nous savons quels échantillons proviennent de personnes dépressives et lesquels viennent de personnes non dépressives. Nous codons ces échantillons et les utilisons pour élaborer un modèle d’apprentissage artificiel concernant les types de caractéristiques acoustiques qui correspondent aux personnes dépressives et non dépressives. Une fois que ce modèle est suffisamment précis, nous pouvons l’utiliser pour découvrir si une personne est dépressive ou non en fonction de la tonalité de sa voix.
Cet été, je fais un stage de recherche au Winterlight Labs, où j’ai la possibilité d’analyser une grande série d’échantillons audios qui seront utiles pour élaborer un modèle d’apprentissage artificiel plus précis afin de détecter la dépression.
Quelles sont certaines des applications concrètes présentes et/ou futures de ce travail?
La dépression est l’un des problèmes les plus courants des personnes âgées. Les personnes atteintes de dépression ne sont plus intéressées par les activités quotidiennes et n’y trouvent plus de plaisir, perdent ou prennent beaucoup de poids, souffrent d’insomnie ou dorment trop, manquent d’énergie, sont incapables de se concentrer, se sentent sans valeur ou coupables, et pensent constamment à la mort ou au suicide. Au Canada, entre 10 et 15 % des aînés souffrent de dépression, ce qui accroît leur risque de décès de deux à trois fois. Dans le cadre de ma recherche, je m’intéresse au développement d’un système pratique pour contrôler les indicateurs cognitifs et de santé mentale en analysant la tonalité de la voix des utilisateurs. Selon nos prévisions, notre système servira à détecter les symptômes de la dépression et à contrôler de façon continue les personnes ayant reçu un diagnostic de dépression. Les personnes qui souffrent de dépression, leurs aidants naturels et les professionnels de la santé mentale peuvent tirer parti du système que nous prévoyons de développer.
Quels sont certains des effets politiques importants potentiels de ce projet?
L’application que nous envisageons a de nombreuses répercussions politiques. La première concerne la protection et la sécurité des données. Certaines entités commerciales s’intéressent beaucoup à notre travail, mais nous avons vraiment l’impression que ce service devrait être soutenu par un organisme gouvernemental, et soumis à l’examen d’organismes publics. Nous devons nous assurer que les données ne sont pas accessibles aux entités non autorisées. La question devient ensuite de savoir qui a l’autorité de consentir à l’utilisation de ces données et d’autoriser à des utilisateurs d’y accéder, car, vu que la personne qui génère les données pourrait ne pas être en pleine possession de ses moyens cognitifs, cela devient un vrai défi. Finalement, un autre enjeu politique important concerne la responsabilité du système de soins de santé de réagir face aux données probantes que reflètent les données : si le service est effectivement offert par le système de santé public, comme le système a le devoir de prendre soin de la population, l’application doit être intégrée dans le système de soins de santé général.