Révolutionner la politique : l’innovation au cœur de l’élaboration de la politique publique

Autheur(s) & titres: Candice A. Pollack, LL.B., B.C.L., Directrice exécutive

Établissement(s) Affiliés: Centre national d’innovation POPRAVIT Inc. d’AGEWELL

Remerciements: Nous tenons à remercier Amy Palmer, Ph.D., et Rosalie Wang, Ph.D., pour leur soutien concernant la discussion sur les conséquences pratiques des mégadonnées dans la prise des décisions relatives à la politique de la santé.


Quel défi vous a inspiré cette idée?

Le Canada est actuellement confronté à un nœud de défis sociaux, économiques, culturels et politiques complexes, plus particulièrement en ce qui concerne notre population vieillissante. Dans ce contexte, le terme « complexe » ne signifie pas « compliqué ». Un défi compliqué est un problème qui, grâce aux bonnes connaissances, au bon processus, aux bonnes formules ou aux bonnes règles, pourra, en bout de ligne, être résolu par une réponse consensuelle. On dit souvent qu’aller sur la lune est un défi compliqué; c’était, en effet, un défi incroyablement difficile à relever, mais il y avait une seule solution, qui a été élaborée et universellement acceptée. Un défi complexe peut être défini comme un problème qui ne se prête pas à une solution unique « juste » et applicable à tout le monde. Ce type de défi s’accompagne souvent de nombreuses inconnues et de facteurs interdépendants qui font qu’il est difficile de distinguer la racine du problème de ses symptômes, et nécessite généralement des jugements de valeur de l’ensemble de la société pour trouver une solution. Le vieillissement de la population auquel nous assistons actuellement au Canada donne lieu à un certain nombre de ces défis complexes. Prenons, par exemple, le fait que nos systèmes de services sociaux et de soins de santé ont été structurés il y a plusieurs décennies sur la base d’une situation démographique très différente de celle d’aujourd’hui. Aujourd’hui, les personnes âgées ne se contentent pas de survivre à des comorbidités et à des maladies cognitives; elles cherchent le moyen de continuer à profiter de la vie en dépit de ces maladies. Cependant, nos services sociaux et de santé n’ont pas encore la capacité d’offrir à toutes les personnes âgées le soutien approprié pour leur permettre de vivre en sécurité si elles sont atteintes de démence, par exemple, ou encore, de continuer à avoir des relations avec les membres de leur collectivité lorsqu’elles perdent leur mobilité. La résolution de ces défis dans une multitude de systèmes de soins de santé, et en tenant compte de la diversité des personnes âgées et d’une série de contextes géographiques, crée un degré de complexité qui augmente au fil du temps et avec l’arrivée de facteurs supplémentaires dont il faut tenir compte.   


Veuillez résumer brièvement votre idée.

Je pense que le vieillissement de la population constitue à la fois une opportunité et un défi, surtout avec les nouveaux outils dont nous disposons pour prendre des décisions plus judicieuses et mieux éclairées. L’innovation en politique publique revêtira une importance cruciale pour trouver des solutions, mais, pour opérer un changement concret, nous devons commencer par nous ouvrir à une attitude révolutionnaire dans la façon dont nous faisons les choses. Au Canada, les entreprises changent déjà leur façon de faire des affaires en tirant parti des mégadonnées et des nouvelles technologies pour améliorer leur productivité et leurs produits. Pouvons-nous faire la même chose lors de la prise de décisions politiques?


Cette idée peut-elle avoir des effets réels sur le problème en question?

La réponse est « oui », et j’ai quelques suggestions à cet égard. Tout d’abord, notre société doit apprendre à tirer parti du pouvoir des mégadonnées et des technologies connexes pour le bien du public. Le fait d’avoir plus de données détaillées sur un plus grand nombre de personnes peut aider les décideurs à trouver la cause première d’un problème, déterminer les endroits où les ressources sont le plus nécessaires et à établir les interventions spécifiques qu’il faut axer sur une population particulière. Il y a, bien sûr, des dangers (par ex., la protection des intérêts privés, le risque de biais induit par les machines, etc.), et les décideurs devront également faire attention à la façon dont ils utilisent ces outils, qui sont toutefois précieux pour nous aider à trouver des solutions novatrices. Ensuite, nous devons explorer d’autres avenues complémentaires pour élaborer la politique publique. Le processus existant ne laisse souvent que peu d’espace à la co-création avec les personnes et les populations directement concernées; or cette co-création devient de plus en plus essentielle à la réussite des interventions. Il ne laisse pas non plus beaucoup de marge de manœuvre lorsqu’une décision a été prise, même si cette décision a des conséquences nuisibles non désirées. Lorsque nous cherchons une solution à un problème complexe, nous pouvons tirer parti de modèles tels que les laboratoires d’innovation, qui favorisent la co‑création, et le prototypage politique, qui permet des interventions rapides et souples pour que nous puissions prendre des décisions plus judicieuses et plus efficaces au niveau de la population. Et, finalement, nous devons travailler avant tout à l’amélioration de nos aptitudes en collaboration et en application des connaissances. Le milieu de la recherche canadien compte une foule de personnes brillantes, créatives et ouvertes à l’adaptation qui ont beaucoup à offrir dans le co‑développement de solutions politiques. Nous devons axer notre énergie sur la formation d’importants partenariats de recherche politique qui permettront de traduire dans les faits les idées géniales issues des laboratoires. Comme je l’ai indiqué auparavant, si nous voulons réellement vivre un changement, nous devons être disposés à nous attaquer au chaos de la révolution, non seulement dans nos décisions, mais aussi dans nos actions. Nous avons à notre disposition de multiples ressources, une foule d’outils et de nombreuses technologies pour prendre des décisions politiques plus éclairées. Il est grand temps d’explorer comment les utiliser.  


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